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lundi 19 octobre 2015

La chanson qui dérange (1)

"Une chanson, c’est du théâtre, un film, un roman, une idée, un slogan, un acte de foi, une danse, une fête, un deuil, un chant d’amour, une arme de combat, une denrée périssable, une compagnie, un moment de vie. La vie"

Cette citation de Georges Moustaki résume à elle seule la vaste portée de la chanson. Toutes les rengaines racontent la même histoire, celle de la vie et de ses embûches, de l’amour et de la mort.

Dans ce triptyque, qui fut et qui sera toujours, il y a forcément des thèmes plus délicats à aborder, que ce soit par la manière de le faire ou le propos lui-même.

L’époque n’est pas un gage de retenue pour évoquer certains sujets. Les chansons grivoises de la Renaissance sont un reflet fidèle, quoique partiel, de l’atmosphère du moment. La « chanson villaine » est représentative d’une liberté des mœurs assez singulière du 16e s.

En 2008, la Bibliothèque musicale avait exploité cette thématique de La chanson qui dérange en exposant diverses partitions en relation. Elle s'était largement inspirée du livre de Baptiste Vignol : Des chansons pour le dire : une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (éd. Tournon, 2005) pour les chansons plus récentes.

Voici donc un remake bloguesque en abordant, dans cette première partie, des chansons anciennes gaillardes et grivoises qui nous font (encore) sourire.


Ramonnes moy ma cheminée (Hesdin, Renaissance)



L’équivoque du ramoneur est fréquemment utilisée dans la chanson gaillarde. Il faut aborder cette dernière dans le même esprit qu’à sa naissance, avec ironie et détachement, avec l’humour et la légèreté de gens qui se divertissent à la fin d’un repas ou autour d’un pichet. 

Ramonnes moy ma cheminée
Ramonnes la moy hault et bas.

Une dame la matinee
Ramonnes moy ma cheminée
Disoit de chaleur forcenée,
Mon amy prenons noz esbatz
Ramonnes moy ma cheminée
Ramonnes la moy hault et bas.

Une belle jeune espousée (Janequin, Renaissance)

Les grands noms du 16e siècle de la poésie et de la musique ont illustré et pratiqué la « chanson villaine », à l’instar de Clément Janequin (compositeur et... homme d'église !). En effet, ce siècle connaît une liberté des mœurs assez singulière. Ces chansons sont une restitution vivante de l’atmosphère d’une époque. 

Une belle jeune espousée
Estoit une fois en devis
Avec une vieille rusée,
Et disoit : Dame a vostre advis
Les hommes sont ils si ravis
Quant ils le font et ont ils bien
Autant que nous d’ayse et de bien ?

Je crois si, luy respondit elle
Ils sentent douceur toute telle,
Mais elle passe comme vent.

Je m’esbahis donc, dit la belle
Qu’ils n’y retournent plus souvent.

Les moines de Saint-Bernardin (19e siècle)

Cette chanson dérive d'un chant fort ancien, d'auteur inconnu et mis en musique par Loyset Compère, un ecclésiastique du 15e siècle : Nous sommes de l'ordre de Saint Babouyn. Cet ordre étonnant, dont l'existence est attestée sous Charles VI, était composé de buveurs. 



Les paroles proposées ici en version "soft" sont la reprise du 19e siècle :


Nous sommes les moines de Saint-Bernardin
Qui nous couchons tard et nous levons matin
Pour aller à matines, vider quelques flacons
Voilà c' qu'est bon et bon et bon !

Et voilà la vie, voilà la vie, la vie chérie ah ! ah !
Et voilà la vie que les moines font.

Pour notre dîner de bons petits oiseaux
Que l'on nomme caille bécasse ou perdreau
Et la fine andouillette et la tranch' de jambon
Voilà c' qu'est bon et bon et bon !

Pour notre coucher dans un lit aux draps blancs
Une chaufferette de quinze à seize ans
Tout autour bien faite, bien chaude dans le fond
Voilà c' qu'est bon et bon et bon !

Si c'est là la vie que les moines font
Je me ferai moine avec ma Jeanneton
Qui a de belles tresses et un joli menton
Voilà c' qu'est bon et bon et bon !

Disponibilité
Fabienne

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